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Voyages

madame, vous ignorez sans doute qu’il se donna hier dans cette plaine une sanglante bataille. Vous voyez en moi une épouse au désespoir, qui porte dans son sein le fruit innocent d’une union sacrée. Depuis le lever de l’aurore en vain je parcours cette plaine, en vain ai-je visité tous ces corps massacrés par le feu des armes, rien ne s’offre à mes yeux égarés, nul espoir ne se présente à mon ame, le sort malheureux a sans doute tranché les jours de mon époux. Les pleurs de cette jeune personne redoublèrent. Monime, pénétrée de ses peines, après avoir employé des consolations dictées par la générosité de son ame, parvint à calmer un peu sa douleur ; elle l’engagea à prendre place dans notre voiture pour retourner à la ville, où nous la remîmes entre les bras de sa famille.

Nous rencontrâmes dans la route une foule d’habitans qui en sortoient, dans l’espoir de voir encore ceux dont la perte excitoit leurs gémissemens. Là c’étoit un vieillard accablé sous le poids des ans ; ses organes affoiblis par l’âge ne lui permettant plus de distinguer les objets qui l’environnent, il s’adresse à tous ceux qu’il rencontre en leur demandant des nouvelles de son fils : hélas ! leur dit-il, les yeux baignés de larmes, le soutien de ma vieillesse a sans doute péri dans la mêlée, je n’ai pu dé-