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de Milord Ceton.

Monime & moi fûmes invités à un grand souper, & à un bal qui se devoit donner ensuite chez l’intendant de la province. Cet homme, que la fortune avoit tiré de l’état le plus médiocre, pour l’élever à ce haut degré de faveur, s’étoit rendu haïssable à toute la ville, par les airs de grandeur qu’il affectoit vis-à-vis la noblesse, & le mépris qu’il montroit pour les plus riches bourgeois. Les femmes, piquées du peu d’égards qu’il avoit pour elles, s’en plaignirent aux officiers de la garnison, qui promirent de les venger. Leur projet étoit de faire habiller douze soldats en femmes, magnifiquement vêtues, qui devoient baloter toute la nuit l’intendant ; le masque favorisant ce déguisement, ils ne craignoient pas d’être reconnus. Nous ne fûmes instruits de la pièce qu’on vouloit jouer, que deux heures après que le bal fut commencé. Déjà nos prétendues déesses avoient entouré l’intendant, & se préparoient à lui faire mille niches, lorsqu’on entendit tout-à-coup un bruit confus de chevaux hennissans, d’hommes & de femmes qui poussoient des cris épouventables, & de troupes qui remplissoient l’air de sons belliqueux. D’abord on sonne l’alerte, on s’écrie aux armes, voilà les ennemis qui ont surpris la ville, & sont entrés par un passage qui n’é-