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qu’il rendit ses sujets parfaitement heureux : ou le nomme Midas. Quoi ! dit Monime, seroit-ce Midas qu’on dépeint avec des oreilles d’âne, & que la demande indiscrète qu’il fit à Bacchus de changer tout ce qu’il toucheroit en or, a fait mourir de faim ? Lui-même ; c’est ce qui prouve que la postérité gâte souvent, par des fables allégoriques, les meilleures actions, & en embellit de pitoyables ; témoin l’histoire de cette Lucrèce qui vient de tomber à côté de Midas : vous ne devez pas ignorer la façon dont on publia sa mort ; la lecture a dû vous en instruire : cependant rien n’est si faux que l’histoire qu’on en raconte ; la vérité est que Collatinus, son mari, ayant appris ses intrigues avec le jeune prince, la poignarda lui-même, & fit courir de faux bruits contre les Tarquins, afin de s’emparer de la république conjointement avec Brutus son collègue.

Je m’en suis douté, dis-je, non pas que je présume que toutes les femmes soient coquettes ; mais cette histoire de Lucrèce m’a toujours parue un peu apocryphe, en ce qu’il semble qu’il eût été plus naturel de tourner d’abord ses armes contre celui qui vouloit la déshonorer, ou du moins ne pas attendre que le crime fût consommé pour se tuer.

Monime, excédée de fatigue d’être obligée