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de Milord Céton.

une autre, nous rencontrâmes quelques bataillons qui revenoient de l’armée ; ils n’avoient pas à beaucoup près l’air ausi contens que les premiers ; autant ceux-ci témoignoient d’empressement, autant les autres nous parurent-ils découragés & rebutés. Monime les prit d’abord pour de pauvres estropiés, qui attendent quelques aumônes sur les grands chemins. Officiers, soldats, domestiques, chevaux, tous faisoient également peur & pitié. Leurs discours répondoient à leur figure ; on les avoit, disoient-ils, conduits à la boucherie ; le général avoit perdu la tête ; la cavalerie s’étoit avancée mal-à-propos ; l’infanterie, mal commandée, n’avoit pas fait son devoir. Pourquoi, disoit l’un, avant de nous exposer, n’a-t-on pas envoyé reconnoître ce poste ? Si l’on avoit veillé sur l’ennemi, on ne se seroit pas laissé dérober ses marches ; nos espions sont mal payés ; c’est ce qui fait qu’ils négligent le soin de nous instruire : enfin chacun de ces militaires n’étoit content que de soi-même, & tous à l’envi donnoient mille malédictions contre un état dont ils paroissoient extrêmement dégoûtés.

Ce triste spectacle n’étoit pas propre à relever le courage de Monime ; ses craintes & sa frayeur redoublèrent : laissons ce vilain Mars,