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Voyage

le récit de mes malheurs, pour achever de vous convaincre que ce n’est point la perte de son cœur que je regrette.

Je fus consacrée dès ma plus tendre enfance au culte du temple de l’amour. Je passai assez tranquillement l’âge d’adolescence, & j’avois déjà atteint ma quinzième année, que nul homme n’avoit encore pu toucher mon cœur. Je vivois dans cette paix & cette douceur que vous avez sans doute éprouvées ; mais cet engourdissement de l’ame n’étoit pas fait pour la vivacité de mon tempérament ; bientôt je m’apperçus qu’il manquoit quelque chose à mon bonheur. Ce qui m’avoit jusqu’alors amusée le plus me devint insipide ; une sombre mélancolie s’empara de mon esprit ; je ne cherchai plus que les endroits les plus solitaires, afin d’y pouvoir rêver en liberté ; mes idées étoient confuses, & malgré mes attentions à les débrouiller, je ne pouvois encore deviner ce qui eût pu me rendre heureuse. J’etois dans ces dispositions, lorsque me promenant derrière la fontaine de Jouvence, je fis la rencontre d’un jeune homme aussi beau que l’amour. Mon front se couvrit de rougeur quand il fixa ses regards sur moi ; je m’apperçus qu’une tendre émotion l’agitoit aussi ; il m’aborda d’un air timide ; je voulus fuir ; mais une force in-