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Voyage

anéantis ; toute la plénitude de son orgueil & de son amour-propre reprit le dessus. Il commença par se donner des airs de maître, fit défendre la porte, & ordonna qu’on lui préparât à souper.

Lisis, qui, de son cabinet, pouvoit entendre tout ce qui se passoit, laissa faire à son amant tant d’impertinences qu’il lui plut, bien résolue de l’en punir dès la nuit même. Albion, après avoir donné l’essor à sa bile, jugea par le silence que Lisis gardoit, que tel bruit qu’il pût faire chez elle, sans doute elle étoit déterminée de ne point paroître y faire d’attention : c’est pourquoi il prit enfin le parti de retourner chez lui, afin de s’y désespérer tout à son aise.

Aussi-tôt que Lisis l’eut entendu sortir, elle fit descendre celle de ses femmes qui lui étoit le plus affectionnée, pour l’accompagner chez une de ses parentes, où elle demeuroit lorsqu’elle fit la connoissance d’Albion : elles sortirent donc l’une & l’autre, sans que les autres domestiques s’en apperçussent. Caliste est le nom de cette parente, qui, surprise de la voir arriver si tard, & dans un ajustement qui se ressentoit du désordre de son esprit, lui en demanda le sujet : mais Lisis ne put la satisfaire sans répandre beaucoup de larmes : le