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Voyages

les secours d’un ami qui met sa gloire à vous les offrir, c’est lui marquer bien de la haine & du mépris, que de vouloir préférer son infortune au plaisir de l’obliger. Lisis touchée de la douleur de son amant, le rassura sur ses craintes, & consentit enfin de recevoir de lui tous les dons qu’il voudroit lui faire.

Albion commença par lui acheter une très-belle maison, qu’il fit meubler magnifiquement. Il l’engagea ensuite à recevoir ses amis, & bientôt on vit se rassembler chez elle les meilleures compagnies de la ville, que son esprit & sa bonne conduite y attiroient. Albion, dont l’amour augmentoit chaque jour, pressa Lisis de finir son martyr en se rendant à ses desirs ; ses poursuites se renouvelloient sans cesse. Un jour il employa les termes les plus séduisans & les plus vives sollicitations : arrêtez, cruel, lui dit-elle, d’un ton ému, sont-ce là les promesses que vous m’avez faites de respecter toujours ma vertu ? Est-ce en cherchant à me séduire que vous prétendez être heureux ? Quoi donc ! l’apanage de la beauté seroit-il d’inspirer le crime ? Apprenez que le véritable amour ne se produit qu’avec modestie, & qu’il n’agit jamais que d’une façon honorable pour l’objet qui l’a fait naître : si vous continuez de m’offenser par vos discours, vous m’obligerez de