Page:Anonyme ou Collectif - Voyages imaginaires, songes, visions et romans cabalistiques, tome 17.djvu/339

Cette page a été validée par deux contributeurs.
313
de Milord Céton.

immoler une si douce félicité à l’ivresse des sens ? Il faut que nulle crainte, nulle honte ne trouble notre repos, & qu’au sein des vrais plaisirs nous puissions parler de l’amour, sans faire rougir la vertu. Je sais que la plupart des Idaliennes sont bien éloignées de cette délicatesse. Hélas ! mon prince, continua Monime, si vous m’aviez arraché ce que je cherche à vous conserver, c’étoit votre propre bonheur que vous ravissiez.

Que vous êtes cruelle, divine Taymuras, dit Pétulant ! pensez-vous que je puisse être heureux si vous condamnez toujours ma passion, & si vous voulez anéantir tous mes desirs ? Non, dit Monime, mais je veux seulement vous apprendre à les modérer, afin de ne les point épuiser ; c’est l’unique moyen de n’en être pas la victime ; car ceux qui recherchent le plaisir avec trop d’avidité, sont des prodigues, qu’on peut accuser de dissiper leur fonds, sans se donner le tems de jouir du revenu, & qu’on doit encore regarder comme des gens prêts à tomber dans le néant : il faut donc, mon prince, économiser ses plaisirs, pour être en état de les goûter plus long-tems. Quoique le prince Pétulant fût très-mécontent de cette morale, & qu’il ne la goûtât point du tout, il parut néanmoins s’y soumettre sans