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Voyage

plusieurs jours sans lui permettre de la voir.

Cet intervalle parut un siècle au prince Pétulant ; il ne put cacher son chagrin, & chacun en raisonna suivant sa façon de penser. Il vint un jour chez la reine ; Monime y étoit ; elle s’apperçut qu’il cherchoit l’occasion de lui parler, & se retira aussi-tôt ; la joie & les graces la suivirent, & laissèrent à leur place le regret de son départ. Pétulant, désespéré de cette marque de froideur, sortit un instant après, & fut se renfermer dans son appartement avec un de ses favoris.

Je suis le plus malheureux de tous les hommes, dit le prince ; tu connois mon amour & l’objet qui l’a fait naître ; croirois-tu que l’ingrate me punit d’un crime que ses charmes ont occasionné ? Taymuras me bannit de sa présence, & ce qui met le comble à mes maux, c’est que je ne puis modérer les mouvemens qui m’entraînent vers elle. La jouissance de tous les honneurs qui m’environnent, m’abandonne & me devient insipide éloigné de ma princesse. Tu sais qu’avant qu’elle parût à la cour, je trouvois des plaisirs dans tout le brillant qu’elle présente chaque jour à mes yeux : mais, te l’avouerai-je, ces plaisirs n’ont jamais produit dans mon esprit aucun de ces desirs véhémens, ni aucune de ces délicatesses de senti-