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de Milord Céton.

ils articuloient mal, & ne furent point entendus. Lorsqu’on demande des graces, qu’on a le cœur bien placé, & de la noblesse dans l’ame, on a toujours l’haleine courte.

Nous sortîmes, en plaignant le sort de ces malheureux : qu’il est humiliant, dis-je à Monime, pour un homme de mérite, d’être obligé de faire des démarches auprès des grands ! Vous avez dû remarquer l’accueil qu’on a fait à tous ces riches ; cela prouve que les biens sont les seuls avantages qui distinguent un Cillénien. Ce sont eux qui servent à réparer le défaut de mérite, à remplir le vuide affreux d’un homme que la naissance distingue, ou que la fortune élève, & tout ne se rend qu’à l’éclat des richesses : ce sont elles qui mettent l’enchère aux dignités, aux charges, à la noblesse, à la faveur, à la réputation, aux alliances, & qui donnent enfin le prix à la vertu même.

Prêts à monter dans notre voiture, nous vîmes sortir de chez le visir un jeune homme, dont le visage pâle & décharné, l’air triste, abattu, confus & humilié, nous fit une vive impression : sa physionomie annonçoit la candeur de son ame. Monime, qu’un sentiment de pitié animoit en sa faveur, me le fit remarquer : porté comme elle à lui rendre service, je m’avançai vers lui. Pourroit-on,