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Voyages

mal ; mais tu n’en as ni la dignité, ni la noblesse. Je ne redoute point ta colère ni ta vengeance ; l’une & l’autre sont impuissantes vis-à-vis de moi. Je t’ordonne donc de m’écouter, homme vicieux. Tu ne condamnes le jeune homme, que parce que sa sœur a eu le malheur d’exciter ta lubricité, & la justice que tu dois à son frère ne se peut acheter qu’au prix de son honneur. Dans toute autre circonstance je ne serois point étonné que sa jeunesse, ses graces & sa beauté, t’aient inspiré de l’amour ; mais que ce visage frappé de désespoir, dont la douleur a changé les traits ; que ses graces flétries par les larmes, n’aient pu déconcerter ton amour, & n’en n’aient pas fait un protecteur pour cette infortunée ; que cet amour, loin de la plaindre de tous les maux, n’en n’aie reçu qu’une confiance plus brutale ; que sa misère, féconde en expressions touchantes, ne t’ait déterminé qu’à l’outrage, & non pas aux bienfaits ; qu’à la vue d’un pareil objet, cet amour ne se soit pas fondu en une pitié généreuse ; que la charité ne t’ait pas attendri sur les périls où l’exposent ses malheurs ; que tu aies écouté le récit de son infortune, sans en comprendre l’excès, sans en sentir tes desirs confondus, & sans être épouvanté toi-même de te surprendre dans l’horrible dessein d’en