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de Milord Céton.

à d’honnêtes gens lorsqu’ils sont dans l’indigence ? Est-il d’objets plus disgraciés & plus abandonnés dans ce monde, qu’une personne pauvre & vertueuse tout ensemble ? Depuis long-tems je m’aperçois trop que tous les cœurs sont glacés pour nous : chacun nous fuit ; nous sommes des étrangers dans la nature, que personne ne veut reconnoître. Des frippons peuvent être plus méprisés ; mais ils sont mieux reçus ; moins rebutés, peut-être même gagnent-ils à n’être ni estimés, ni estimables : ils employent toutes sortes de bassesses ; ils sont rampans, & voilà ce qui flatte ces hommes vains : ils jouissent de leurs triomphes ; ils ont le plaisir de primer & de satisfaire leur fol orgueil ; mais nous, cher frere, à quoi nous déterminer ? Quel parti prendre dans un si grand abandon ?

Tranquillisez-vous, ma sœur ; j’ai trouvé un moyen pour nous tirer de l’extrême misère où nous réduit le sort : c’est un projet que je médite depuis long-tems, puisque je ne puis mieux faire : il faut se déterminer à le suivre ; du moins nous pourrons par cette voie nous procurer le nécessaire ; & si la fortune jettoit sur nous un regard favorable, l’idée que j’ai est une des routes qui conduit souvent à ses bienfaits.