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Voyages

nui ; vous m’accablez par votre douleur, sans être touchée de la mienne. Ah ! vous ne vous en souciez pas ; croyez-vous que ce qui se passe dans mon cœur ne soit pas assez sensible ? N’ai-je donc pas encore assez de mes chagrins, sans en redoubler l’amertume ? Faut-il que le désespoir nous suive jusqu’au tombeau ? Croyez, ma sœur, qu’il est des gens plus à plaindre que nous : ce sont ceux qui eux-mêmes ont creusé les abîmes où ils sont tombés ; du moins n’avons-nous point ce reproche à nous faire ; c’est un motif de consolation ; mais vous ne voulez en employer aucun pour ma tranquillité, & tout me manque à la fois.

Hélas ! lui dis-je, cessez de m’accabler par d’injustes soupçons : c’est à tort que vous accusez mon amitié pour vous ; rien ne peut l’affoiblir. Mon frère, si vous pouviez lire au fond de mon cœur, vous y verriez que cette douleur, dont je ne puis modérer l’excès, ne vient actuellement que du tendre intérêt que je prends à votre sort. Les plus tristes réflexions sur l’avenir m’entraînent malgré moi. Forcée de m’y livrer, nulle sorte d’espérance ne s’offre à mon esprit. Que nous sommes à plaindre : sans parens, sans protecteurs, sans amis, sans secours : que devenir ? Qui est-ce qui s’attache