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de Milord Céton.

en peu de jours au tombeau. Je ne puis, monsieur, vous exprimer la douleur que je ressentis de sa perte que par celle où vous me voyez.

Mon frère, à qui nos malheurs ont formé l’esprit de bonne-heure, me surprit un jour dans ma chambre, le visage baigné de larmes. Hélas ! ma sœur, me dit-il tendrement, que vous ménagez peu un frère qui vous aime, & qui n’attend de consolation que de votre amitié ! Vous verrai-je toujours en proie à la douleur la plus amère ? Il est vrai que la perte que nous venons de faire doit nous être à tous deux bien sensible : dans les premiers jours, je n’ai point condamné l’excès de votre affliction ; vous vous y êtes livrée, elle étoit juste : accablé moi-même des coups qui nous ont frappé, je n’ai pu vous rien dire de consolant ; il n’est pas surprenant que la raison plie, d’abord sous des revers aussi accablans que ceux que nous venons d’éprouver. Je sais que les mouvemens de la nature doivent avoir leurs cours. Mais, chère sœur, on se retrouve, on s’apaise, on revient à soi-même, & la raison prend enfin le dessus. Cependant je vous vois toujours la même : j’ai dévoré mes chagrins dans la crainte d’augmenter les vôtres, & vous avez la cruauté de me faire périr d’en-