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Voyages

en en confiant, s’il se peut, les motifs à un homme qui, loin d’en vouloir mésuser, vous proteste d’employer tout ce qui est en son pouvoir, afin de tâcher d’en diminuer l’amertume.

Cette jeune personne, surprise, sans doute, de mon apparition, leva d’abord les yeux sur moi, puis les baissa d’un air confus & embarrassé : elle ne me répondit que par de nouveaux sanglots, ses larmes coulèrent avec plus d’abondance. Lorsqu’elle fut un peu remise, elle me regarda plus attentivement. Grands dieux ! s’écria-t-elle en poussant un profond soupir, auriez-vous enfin pitié de mes peines ? Je vous crois, monsieur, incapable d’abuser de ma confiance ; & puisque vous avez la bonté de prendre part à mon affliction, je vais, par un récit sincère, vous instruire des maux qui en sont la source.

Je suis une fille de famille, dont le père, qui s’étoit ruiné au service, est mort depuis dix ans : ma mère, restée veuve avec deux enfans, pour lesquels elle avoit beaucoup de tendresse, soutint d’abord notre malheur avec assez de fermeté : nous vivions dans une petite terre, seul bien qui nous restoit des débris de notre fortune ; mais les créanciers de mon père l’ayant fait saisir, nous fûmes obligés de nous rendre dans cette ville pour y soutenir