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Voyages

cour. J’apperçus à la faible lueur d’une lampe un homme en chemise, qui demandoit grace à un palefrenier qui l’assommoit à coups de fourche, en criant au voleur. Les domestiques descendirent au bruit que faisoit le palefrenier, & le bruit cessa dès que la lumière parut. C’étoit monsieur Chichotin lui-même qu’il maltraitoit ainsi, feignant de le prendre pour un voleur. Parbleu, monsieur, dit ce domestique, de quoi vous avisez-vous aussi de venir toutes les nuits voler l’avoine de vos pauvres chevaux, pour m’accuser ensuite de la vendre à mon profit ? Chichotin, confondu d’avoir été découvert, fut encore obligé, quoiqu’il fût tout meurtri des coups qu’il venoit de recevoir, de prier ses domestiques de ne point divulguer cette aventure. Pour les engager à se taire, il leur donna quelques pièces de monnoie, qu’il tira de son gousset l’une après l’autre ; & pour comble de disgraces, il fallut encore appeller un chirurgien pour panser ses blessures, qui le retinrent long-tems au lit, & le pauvre Chichotin eut le malheur de n’être plaint de personne.

Nous quittâmes cette ville pour nous rendre dans une autre province ; mais l’influence qui domine sur ce monde est par-tout la même. Presque personne ne dit ce qu’il pense ; on ne