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de Milord Céton.

souvent à jouer. Ce n’étoit pas des personnes de qualité qui s’assembloient chez elle, mais de ces gens qui s’étudient à les contrefaire ; de ces femmes de commis nouvellement arrondis du fruit de leur industrie ; d’autres que le caprice de la fortune tire de l’état le plus vil, pour les combler de ses faveurs. Une de ces princesses, jadis ouvrière, dont le mari devenu caissier depuis peu de tems, & qui savait admirablement bien faire valoir les deniers de sa caisse ; cette précieuse, renforcée, bouffie d’orgueil de sa nouvelle dignité, raillant & méprisant toute personne qui n’avoit point d’équipages, ni nombre de domestiques, poussoit le ridicule, la fausse vanité, & même l’impertinence jusqu’à vouloir prendre le haut bout dans toutes les compagnies où elle se rencontroit.

Cette femme s’avisa, pendant une partie de jeu, de tirer sur une autre, mise à la vérité fort simplement, mais décemment, qui parut d’abord faire peu d’attention à ce qu’elle disoit. Occupée de son jeu, elle la laissa tranquillement débiter toutes ses fades plaisanteries, en gagnant ses écus. Lorsque la première eut épuisé sa bourse, ses propos commencèrent à se rallentir ; sa figure s’allongea, ses railleries cessèrent ; & pour recourir après son argent, elle demanda des cachets afin de continuer le jeu. L’autre qui