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Voyages

litique, dans la vue d’apprendre à mieux tromper ceux qui ont besoin d’eux : ils s’efforcent de faire passer le mensonge pour vérité, & la fourberie pour complaisance. L’esprit satyrique répand son venin. On ne se voit que pour se critiquer ; de-là naissent des haines irréconciliables. Peut-on s’aimer quand on se connoît si bien ? Cependant on continue à se voir : les parties de jeu ou de campagne se nouent régulièrement ; on y porte beaucoup de finesse dans l’esprit, quantité de saillies & de bons mots, une extrême politesse, dont la dissimulation est la base. Je fus un jour invité à souper chez une femme qui demeuroit dans le voisinage, & qui faisoit une très-grande figure : cette femme que je rencontrois chez tout ce qu’il y avoit de mieux dans la ville, avoit rassemblé chez elle une nombreuse compagnie. Tous montroient beaucoup d’enjouement. La maîtresse de la maison les excitoit elle-même à la joie, par mille propos badins, où la satyre tenoit le premier rôle. Un officier vint annoncer qu’on avoit servi : on passa dans une salle à manger, où étoit une table très-bien garnie des mets les plus délicats ; nombre de bouteilles de différens vins ornoient le buffet. Après qu’on se fut placé, & que chacun eut son assiette garnie, je demandai du pain à mon domestique.