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de Milord Céton.

gés ensuite de jetter l’un après l’autre sur la table, & d’autres fois tous ensemble : un autre les relevoit, afin de recommencer la distribution ; & cette occupation puérile duroit, comme j’ai dit, une partie de la journée. Ce que je trouvai de singulier, est que tout cela se faisoit avec le plus grand sérieux du monde : il sembloit que l’arrangement fortuit de tous ces cartons dût décider du sort de l’état : à peine se disoit-on un mot, & ce mot comme échappé, ne rouloit que sur la façon de jetter son carton : les uns paraissaient d’une gaieté extrême ; les autres, tristes & chagrins, avoient bien de la peine à dissimuler au-dehors les transports violens dont ils étoient agités au-dedans : quelquefois on se fâchoit les uns contre les autres ; on disputoit avec feu, & la séance se terminoit toujours par compter de l’argent. Je regardois cette occupation comme un travail de l’esprit ; mais il a plu aux Cilléniens de lui donner le nom de jeu : quelques-uns y passent la plus grande partie de leur vie : on peut dire que le jeu est chez eux une de ces maîtresses passions, qui les conduit souvent à leur perte. On trouve de ces petits cartons dans toutes les maisons, dont on se sert de cent différentes façons. En général, il ne faut ni industrie, ni esprit, ni savoir pour tous ces jeux : il n’y a