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Voyages

conduite, je vous ai toujours regardé comme mon père, mon guide & mon soutien ; vous possédez toute ma confiance, & vous vous faites un jeu d’en abuser par des peintures aussi éloignées de la vérité ? Est-ce donc là ces richesses & cette opulence que je devois voir régner de toutes parts chez ces peuples ? Dites-moi, mon cher Zachiel, quel jugement j’en dois porter, lorsque je vois au contraire que rien n’est si malheureux que les Cilléniens ?

Loin de me fâcher de vos reproches, reprit le génie, je me félicite que votre impatience me les ait attirés ; ils me font remarquer ce tendre intérêt que vous prenez au sort des malheureux : il seroit à souhaiter pour eux que les personnes qui les gouvernent eussent autant d’humanité que vous en montrez l’un & l’autre. Soyez bien persuadée, ma chère enfant, que je ne cherche point à vous en imposer. Il est vrai que rien n’est comparable à la misère du paysan ; mais apprenez que dans la Cillénie, ce n’est que par la ruine totale d’un million d’âmes que l’on parvient à faire un riche. Un favori de Plutus dépense plus en un seul repas, que ne produit l’année du revenu de tout un village. C’est pour fournir à ces somptuosités, qu’on exerce tous les jours sur eux mille vexations indignes, & ce que