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de Robinson Crusoé.

même homme que je me représentois vivant misérablement dans une Isle purement déserte, puisque j’étois assez injuste pour faire souvent comparaison de lui à moi, dans l’état de vie où je me trouvois alors, & où je n’avois qu’à persévérer pour devenir extrêmement riche & heureux ?

J’avois pris en quelque façon toutes les mesures nécessaires pour conduire la plantation, avant le départ du capitaine du vaisseau, qui m’avoit reçu à son bord en pleine mer, & qui s’étoit montré mon ami affectionné. Il demeura pendant trois mois tant à charger son vaisseau qu’à faire les préparatifs de son voyage. Un jour comme je lui parlois du petit fonds que j’avois laissé à Londres, il me donna ce bon & fidèle avis : « monsieur l’anglois, me dit-il, si vous voulez me donner une lettre adressée à la personne qui a votre argent à Londres, avec ordre d’envoyer vos effets à Lisbonne, à telles personnes que je vous indiquerai, & en marchandises convenables à ce pays-ci, je vous promets moyennant la grâce de dieu, de vous en rapporter le produit à mon retour : mais comme les choses humaines sont toujours sujettes à la vissicitude & aux contre-tems, je vous conseille de ne donner vos ordres que pour cent livres sterling, que vous dites être la moitié de votre fonds, & de les aventurer pour une première tentative, afin