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Les aventures

en quête des Isles, ou bien de me livrer à la merci des Nègres. Je savois que tous les vaisseaux qui partent d’Europe pour la Guinée, le Bresil, ou les Indes Orientales, mouillent à ce Cap ou à ces Isles ; en un mot, je ne voyois dans ma destinée que cette alternative, ou de rencontrer quelque vaisseau, ou de périr.

Quand nous eûmes continué notre course pendant dix jours de plus, comme je l’ai déjà dit, j’apperçus que la côte étoit habitée, & nous vîmes, en deux ou trois endroits, des gens qui se tenoient sur le rivage pour nous voir passer : nous pouvions même voir qu’ils étoient noirs & nuds. J’avois envie de débarquer, & d’aller à eux ; mais Xuri, qui ne me donnoit jamais que de sages conseils, m’en dissuada ; néanmoins je voguai près de terre, afin que je pusse leur parler. En même tems ils se mirent à courir le long du rivage je remarquai qu’ils n’avoient point d’armes, excepté un d’entr’eux, qui portoit à la main un petit bâton que Xuri disoit être une lance, & qu’ils savoient jeter fort loin, & avec beaucoup d’adresse. Ainsi je me tins en distance, & leur parlai par signes le mieux que je pus. En ce langage muet, je leur demandai entr’autres quelque chose à manger ; eux me firent entendre d’arrêter mon bateau, & qu’ils m’iroient chercher de la viande. Là-dessus j’abaissai le haut de ma voile, & nous