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de Robinson Crusoé.

des Sauvages, ou bien entre les griffes des tigres & des lions, c’est une chose qui nous auroit été également funeste, ou du moins que nous redoutions également.

Quoi qu’il en soit, nous étions obligés de prendre terre quelque part, pour faire aiguade ; car nous n’avions pas une pinte d’eau de reste. Mais savoir quel tems & quel lieu choisir pour cela, c’étoit la difficulté. Xuri me dit que, si je le laissois aller à terre avec une jarre, il se faisoit fort de découvrir de l’eau, s’il y en avoit, & qu’il m’en apporteroit. Je lui demandai la raison pourquoi il y vouloit aller ; s’il ne valoit pas mieux que j’y allasse moi même, & qu’il restât à bord ? Il me répondit avec tant d’affection que je l’en aimai toujours depuis : c’est, dit-il en son langage corrompu, c’est que si les Sauvages hommes ils viennent, eux mangent moi, & puissiez sauver vous. « Eh bien ! répondis-je, eh bien ! mon cher Xuri, nous irons tous deux ; si les Sauvages viennent nous les tuerons, & nous ne leur servirons de proie ni l’un ni l’autre. » Après cela, je lui donnai à manger un morceau de biscuit, & lui fis boire un petit verre de liqueur, de celle que me fournissoit la caisse de notre Patron dont j’ai déjà parlé : nous hâlâmes le bateau aussi près du rivage que nous le jugeâmes convenable, & nous