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de Robinson Crusoé.

voyant que l’ours n’avoit pas envie d’approcher d’avantage ; bon, bon, lui dit-il, toi ne pas venir plus à moi, moi venir à toi : & là-dessus il s’avance vers l’extrémité de la branche, & s’y pendant par les mains, il la fait plier assez pour se laisser tomber à terre sans risque.

L’ours voyant de cette manière son ennemi décamper, prend la résolution de le suivre ; il se met à marcher sur la branche à reculons, mais avec beaucoup de lenteur & de précaution, ne faisant pas un pas sans regarder en arrière. Quand il fut arrivé au tronc, il en descendit avec la même circonspection, toujours à reculons, & ne remuant jamais un pied qu’il ne sentît l’autre bien fermement attaché à l’écorce. Il alloit justement appuyer une de ses jambes sur la terre, quand Vendredi s’avança sur lui, & lui mettant le bout du fusil dans l’oreille, le fit tomber roide mort.

Après cette expédition, mon gaillard s’arrêta pendant quelques momens d’un air grave, pour voir si nous n’étions pas à rire, & voyant qu’effectivement il nous avoit extrémement divertis, il fit un terrible éclat de rire lui-même, en disant que c’étoit ainsi qu’on tuoit les ours dans son pays. Comment ! lui répondis-je, le moyen que vous les tuïez de cette manière, vous n’avez