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Les aventures

de l’ours, ramasse une grosse pierre, la jete à cette affreux animal & l’attrape justement à la tête sans néanmoins lui faire plus de mal, que si le caillou avoit donné contre une muraille. Aussi mon drôle n’avoit d’autre but que de se faire suivre par l’ours, & de nous donner bon rire, selon sa manière de s’exprimer. L’ours, selon sa louable coutume, ne manquoit pas d’aller droit à lui, en faisant des pas si terribles, que, pour les suivre, on auroit dû mettre son cheval à un médiocre galop.

Il n’avoit garde cependant d’attraper Vendredi, que je vis, à mon grand étonnement, prendre sa course de notre côté, comme s’il avoit besoin de notre secours, ce qui nous détermina à faire feu sur la bête tous en mêmes tems, pour délivrer mon valet de ses griffes : j’étois pourtant dans une furieuse colère contre lui pour avoir attiré l’ours sur nous, dans le tems qu’il ne songeoit qu’à aller droit son chemin. Cela s’appelle-t-il nous faire rire, maraud, lui dis-je ; viens vîte, & prends ton cheval, afin que nous puissions tuer ce diable d’animal que tu as mis à nos trousses. Point, point, répondit-il tout en courant ; non tirer, vous point bouger, vous avoir grand rire. Comme mon drôle couroit deux fois plus vîte que l’ours, & qu’il y avoit encore un assez grand espace entre l’un & l’autrel il prend tout d’un