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Les aventures

ni le tems, ni la présence d’esprit de se saisir de ses armes à feu : il se contenta de pousser des cris épouvantables. Comme Vendredi étoit le plus avancé de nous tous, je lui dis d’aller à toute bride voir ce que c’étoit. Dès qu’il découvrit de loin ce dont il s’agissoit, il se mit à crier de toutes ses forces : O maître, maître ! mais il ne laissa pas de continuer son chemin tout droit vers le pauvre guide, & comme un garçon plein de courage, il appuya son pistolet contre la tête du loup qui s’étoit attaché à l’homme, & le fit tomber à terre roide mort.

C’étoit un grand bonheur pour le pauvre guide que Vendredi, étant accoutumé dans sa patrie à ces sortes de bêtes, ne les craignoit guères ; ce qui l’avoit rendu assez hardi pour tirer son coup de près ; au lieu que quelqu’un de nous, tirant de plus loin, auroit couru risque ou de manquer le loup, ou de tuer l’homme.

Aussi-tôt que le loup, qui avoit attaqué le cheval, vit son camarade à terre, il abandonna sa proie, & s’enfuit. Il s’étoit heureusement attaché à la tête du cheval, où ses dents rencontrant les bossettes de la bride, n’avoient pas pu porter de coup bien dangereux. Il n’en toit pas ainsi de l’homme, qui avoit reçu deux morsures cruelles, l’une dans le bras, & l’autre au-dessus du genou, & qui avoit été sur le point de tomber de son cheval