lérats de tout l’équipage, qui n’auroient garde de se désister de leur entreprise, & qu’il craignoit bien qu’ils ne fussent trop forts pour nous.
Je lui répondis, en souriant, que des gens dans notre situation devoient être au dessus de la peur ; que voyant toutes les conditions presque meilleures que la nôtre, nous devions considérer la mort même comme une espèce de délivrance, & qu’une vie comme la mienne, qui avoit été sujette à tant de revers, méritoit bien que je hasardasse quelque chose pour la rendre plus heureuse. « Qu’est devenue, continuai-je, votre persuasion que la providence ne m’avoit conservé ici que pour vous sauvez la vie ? Ayez bon courage, je ne vois pour nous, dans toute cette affaire, qu’une seule circonstance embarrassante. Quelle donc, me dit-il ? C’est, répondis-je, qu’il y a parmi cette petite troupe trois ou quatre honnêtes gens qu’il faut songer à conserver. S’ils étoient tous les plus grands coquins de l’équipage, je croirois que la providence les auroit séparés du reste pour les livrer entre nos mains. Car fiez-vous en à moi, tout ce qui débarquera sera à notre disposition, & nous serons les maîtres de leur vie & de leur mort. »
Ces paroles, prononcées d’une voix ferme & d’une contenance gaie, lui donnèrent courage,