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de Robinson Crusoé.

pressentiment de danger, puisqu’ils passoient le tems dans le repos & dans la joie, comme on fait sur mer. Mais le huitième jour au matin le vent augmenta, & tout l’équipage fut commandé pour abattre les mâts du perroquet, & pour tenir toutes choses bien serrées & en bon ordre, afin de donner au vaisseau tout l’allégement possible. Vers le midi la mer s’enfla prodigieusement : notre château-gaillard plongeoit à tout moment, & les flots inondèrent le bâtiment plus d’une fois. Là dessus le maître fit jeter l’ancre-maîtresse ; mais nous ne laissâmes pas de chasser sur deux ancres, après avoir filé nos cables jusqu’au bout.

Pour le coup la tempête étoit horrible, & je voyois déjà l’étonnement & la terreur sur le visage des matelots mêmes. Quoique le maître fût un homme infatigable dans son emploi, qui est de veiller à la conservation du vaisseau, cependant je l’entendois souvent qui, en passant près de moi à l’entrée & au sortir de la cabane, proféroit tout bas ces paroles, ou autres semblables : Grand Dieu, ayez pitié de nous ! nous sommes tous perdus, c’est fait de nous ! Dans cette première confusion j’étois tout étendu, stupide & immobile dans ma cahute qui étoit au gouvernail, & je ne saurois bien dire quelle étoit la situation de mon esprit. Je ne pouvois sans honte