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de Robinson Crusoé.

t-il, dieu plus puissant, plus grand que le diable, pourquoi dieu ne pas tuer le diable, pour le diable non plus faire mauvais ?

La question me surprit : j’étois un homme d’âge, mais fort jeune docteur, & peu qualifié pour résoudre les difficultés. Comme je ne savois que dire, je fis semblant de ne pas l’entendre, & je lui demandai ce qu’il vouloit dire. Mais il souhaitoit trop sérieusement une réponse, pour oublier sa question, & il la répéta dans le même mauvais style. Pour moi, ayant eu le temps de me reconnoître, je lui répondis que dieu puniroit le diable à la fin sévèrement, qu’il étoit réservé pour le jugement dernier, où il le condamneroit au feu éternel. Ma solution ne satisfit pas mon sauvage, & répétant mes paroles, à la fin, dit-il, réservé pour le jugement ? moi non entendre : pourquoi non tuer le diable à présent, pourquoi non tuer grand auparavant ? Il vaudroit autant me demander, répartis-je, pourquoi dieu ne nous tue pas vous & moi, quand nous l’offensons. Il nous conserve, pour que nous nous repentions, & qu’il puisse nous pardonner. Après avoir un peu ruminé là-dessus, bon, bon, dit-il avec une espèce de passion, ainsi vous, moi, diable, tout mauvais, tous préserver, tous repentir, dieu tout pardonner à la fin.

Me voilà atterré pour la seconde fois ; marque certaine que les simples notions de la nature peu-