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de Robinson Crusoé.

retranchemens, & je pris toute la précaution nécessaire pour l’empêcher de venir dans mon château malgré moi ; de plus, je résolus d’emporter toutes les nuits avec moi, dans ma demeure, tout ce que j’avois d’armes en ma possession.

Heureusement toute cette prudence n’étoit pas fort nécessaire, jamais homme n’eut un valet plus fidèle, plus rempli de candeur & d’amour pour son maître : il s’attachoit à moi avec une tendresse véritablement filiale ; il étoit sans fantaisies, sans opiniâtreté, incapable d’emportement, & en toute occasion il auroit sacrifié sa vie pour sauver la mienne. Il m’en donna en peu de tems un si grand nombre de preuves, qu’il me fut impossible de douter de son mérite & de l’inutilité de mes précautions à son égard.

Les bonnes qualités de mon esclave me faisoient remarquer souvent que s’il avoit plus à Dieu dans sa sagesse de priver un si grand nombre d’hommes du véritable usage de leurs facultés naturelles, il leur avoit pourtant donné les mêmes principes de raisonnement qu’aux autres hommes, les mêmes desirs, les mêmes sentimens de probité & de reconnoissance, la même sincérité, la même fidélité, & que ces pauvres barbares employoient toutes ces facultés tout aussi-bien que nous, dès qu’il plaisoit à la divinité de leur don-