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Les aventures

première fois que j’en aurois l’occasion, sur-tout si je trouvois leurs forces divisées comme la dernière fois. Je ne considérois pas seulement qu’en tuant tantôt un peu de leurs partis, tantôt quelques autres, se seroit toujours à recommencer, & qu’à la fin je deviendrois un plus grand meurtrier que ceux-là mêmes dont je voulois punir la barbarie.

Mes inquiétudes renouvelées par cette dernière rencontre répandoient beaucoup d’amertume sur ma vie ; quand je me hasardois à sortir de ma retraite, c’étoit avec toute la précaution possible, & en tournant continuellement les yeux sur tous les objets dont j’étois environné. Quel bonheur pour moi d’avoir mis mon troupeau en sûreté, & d’être dispensé de faire feu sur les chèvres sauvages ! Il est vrai que le bruit auroit pu mettre en fuite un petit nombre de sauvages effrayés ; mais je devois être convaincu qu’ils reviendroient avec plusieurs centaines de canots, & je savois ce que j’avois à attendre de leur inhumanité. Cependant je fus assez heureux pour n’en voir plus jusqu’au mois de Mai de la vingt-quatrième année de ma vie solitaire, dans lequel j’eus avec eux une rencontre très-surprenante, que je rapporterai dans son lieu.

Durant ces quinze mois, je passois les jours dans des pensées inquiettes, & les nuits j’avois des songes effrayant, qui me réveilloient en sur-