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Les aventures

bourgeoise ; que par une longue expérience il avoit reconnus que cette situation étoit la meilleure de toutes, le plus à la portée de la félicité humaine, nullement exposée à la misère, aux travaux & aux souffrances du commun des ouvriers ; mais exempte de l’orgueil & du luxe, de l’ambition & de l’envie des grands du monde. Il me disoit que je pouvois juger du bonheur de cet état, par cela même que c’étoit celui que tous les autres hommes envioient : que des rois avoient souvent gémi sur les misérables suites d’une haute naissance ; qu’ils auroient souhaité de se voir placés au milieu des deux extrémités, entre les grands & les petits ; que le sage s’étoit déclaré en faveur de cet état, & qu’il y avoit fixé le point de la vraie félicité, en priant qu’il n’eût ni pauvreté, ni richesse.

Il me faisoit remarquer une chose que je trouverois toujours dans le suite ; c’est que les calamités de la vie partageoient entre les plus qualifiés & le bas peuple : mais que dans l’état de médiocrité, il n’y avoit point tant de désastres, & qu’on n’y étoit point sujet à autant de vicissitudes que dans le plus haut ou dans le plus bas : que dis-je ? les maladies & les indispositions, soit du corps ou de l’esprit, y étoient moins fréquentes que parmi des gens qui, par une suite naturelle de leur manière de vivre, gagnoient divers maux ;