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Les aventures

neront sans peine yous ceux qui savent ce que c’est que d’être engagé perpétuellement dans les pièges d’une terreur panique. Je dois remarquer ici avec douleur que les troubles de mon esprit dérangeoient extrêmement ma piété ; car la crainte de tomber entre les mains des antropophages, occupoit tellement mon imagination, que je me trouvois rarement en état de m’adresser à mon créateur avec ce calme & cette résignation qui m’avoient été autrefois ordinaires. Je ne priois dieu qu’avec l’accablement d’un homme environné de dangers, & qui doit s’attendre chaque soir à être mis en pièces, & mangé avant la fin de la nuit ; & ma propre expérience m’oblige d’avouer qu’un cœur rempli de tranquillité, d’amour & de reconnoissance pour son créateur, est beaucoup plus propre à cet exercice de piété, qu’une ame saisie & troublée par de continuelles appréhensions. À mon avis, le dérangement d’esprit causé par la crainte d’un malheur prochain, nous rend aussi incapables de former une bonne prière, qu’une maladie qui nous atterre dans un lit de mort nous rend peu disposés à une véritable repentance.

La prière est un acte de l’esprit, & un esprit malade doit avoir bien de la peine à s’en acquitter comme il faut.

Après avoir mis de cette manière en sûreté