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de Robinson Crusoé.

plus aisé de lui faire l’espace de quarante-cinq milles sur mer, que celui d’environ quarante-cinq brasses qu’il y avoit du lieu où il étoit sur terre, à celui où il auroit pu être à flot.

Je fis l’action la plus insensée qu’un homme puisse faire, à moins d’avoir perdu le sens commun, lorsque je me mis à travailler à ce bateau. Je m’applaudissois de former un tel dessein, sans déterminer si je serois capable de l’exécuter, non que je ne pensasse quelquefois à la difficulté de lancer mon bateau ; mais c’étoit une matière que je n’approfondissois point ; & je terminois tous mes doutes par cette solution extravagante : çà, ça, me disois-je en moi-même, faisons-le seulement, & quand une fois il sera achevé, nous trouverons dans notre imaginative le moyen de le mouvoir, & de le mettre à flot.

Cette méthode étoit diamétralement opposée aux règles du bon-sens ; mais enfin, mon entêtement avoit pris le dessus ; & je me mis à travailler. Je commençais par couper un cèdre. Je doute si le Liban en fournit jamais un pareil à Salomon, lorsqu’il bâtissoit le temple de Jérusalem. Le diamètre de cet arbre étoit par le bas, & près du tronc, de cinq pieds & onze pouces ; de là, il prenoit quatre pieds & onze pouces sur la longueur de vingt-deux pieds ; ensuite il alloit en diminuant jus-