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de Robinson Crusoé.

devers moi un grenier qui m’assurât du pain pour l’avenir, je résolus de ne point tâter de cette récolte, mais de la conserver, & de l’employer toute entière en semence, la saison prochaine : en attendant je voulus mettre toute mon industrie & toutes les heures de mon travail à exécuter le grand dessein que j’avois de perfectionner l’art de labourer, aussi-bien que celui de goûter avec usure les fruits de mon labourage.

Je pouvois bien dire alors dans un sens propre & littéral, que je travaillois pour ma vie. Mais c’est une chose étonnante, & à laquelle je ne crois pas que beaucoup de gens fassent réflexion, que les préparatifs qu’il faut faire, le travail qu’il faut subir, les formes différentes qu’il faut donner à son ouvrage, avant de pouvoir produire dans sa perfection ce qu’on appelle un morceau de pain.

C’est ce que je reconnus à mon grand dommage, moi qui étois réduit à un état de pure nature ; & chaque jour aidoit à m’en convaincre de plus en plus, même depuis que j’eus recueilli le peu de bled qui avoit crû d’une manière si extraordinaire & si inattendue au pied du rocher.

Premièrement je n’avois point de charrue pour labourer la terre, point de bêche pour la fossoyer. Il est vrai que je suppléai à cela en me faisant une pelle de bois, dont j’ai déjà parlé : mais aussi, dans mon ouvrage, reconnoissoit-on aisément