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Les aventures

de je ne sais combien de sortes, qui étoient aux aguets & n’attendoient pour faire la picorée que le moment auquel je serois parti. Je fis une décharge sur eux ; car je n’allois jamais sans mon fusil. Dès que le coup fut tiré, vous auriez vu dans l’air une épaisse nuée d’oiseaux que je n’avois point remarqués, & qui s’étoient tenus cachés au fond du bled.

Ce spectacle fut pour moi bien douloureux ; car il me présageoit la dissipation de mes espérances, la disette où j’allois tomber, la perte totale de ma récolte ; & ce qu’il y avoit de pis, c’est qu’en prévoyant ce malheur, je ne savois pas encore comment le prévenir. Toutefois je résolus de ne rien oublier pour sauver mon grain, & de faire même sentinelle nuit & jour, s’il étoit besoin. Avant toutes choses, je me portai sur les lieux pour voir le dommage qui m’avoit été fait. Ces harpies avoient à la vérité fait du dégât ; mais non pas aussi considérablement que je m’y étois attendu : la verdure des épis avoit tempéré leur avidité, & si je pouvois sauver les restes; ils me promettoient encore une bonne & abondante moisson.

Je restai-là quelques momens pour recharger mon fusil ; après quoi, me retirant un peu à l’écart, rien n’étoit plus aisé que de voir mes voleurs postés en embuscade sur tous les arbres d’alentour,