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Les aventures

à l’Occident, un petit ruisseau d’eau fraîche ; qui sortoit d’une colline, dirigeoit son cours à l’opposite, c’est-à-dire, à l’Orient : toute cette contrée paroissoit si tempérée, si verte, si fleurie, qu’on l’auroit prise pour un jardin planté par artifice, & il étoit aisé de voir qu’il y régnoit un printems perpétuel.

Je descendis un peu sur la croupe de cette vallée délicieuse ; & après, je fis une station pour la contempler à loisir. D’abord l’admiration se saisit de mes sens ; elle suspendit quelque tems mes soucis rongeurs, pour me faire savourer en secret le plaisir de voir que tout ce que contemplois étoit mon bien ; que j’étois le Seigneur & le Roi absolu de cette région ; que j’y avois un droit de possession ; & que, si j’avois des héritiers, je pourrois la leur transmettre aussi incontestablement qu’on feroit d’un fief en Angleterre. J’y vis une grande quantité de cacaos, d’orangers, de limoniers, & de citronniers, qui tous étoient sauvages, & dont il n’y en avoit que peu qui portassent du fruit, du moins dans la saison présente. Néanmoins les limons verts, que je cueillis, étoient non-seulement agréables à manger, mais encore très-sains ; & dans la suite j’en mêlois le jus avec de l’eau, qui en recevoit beaucoup de relief, devenant par-là & plus fraîche & plus salutaire.