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de Robinson Crusoé.

ceau de viande de bouc, que je grillai sur des charbons, mais je n’en pus manger que fort peu. Je sortis pour me promener, mais je me trouvai foible, triste, & le cœur serré à la vue de ma pitoyable condition, redoutant pour le lendemain le retour de mon mal. Le soit je fis mon souper de trois œufs de tortue, que je fis cuire dans la braise, & que je mangeai à la coque ; & ce fut là, autant que je m’en puis ressouvenir, le premier moreceau pour lequel j’eusse encore demandé à Dieu sa bénédiction durant tout le tems de ma vie.

Après avoir mangé, j’essayai de me promener, mais je me trouvai si foible, qu’à peine pouvois-je porter mon fusil, sans lequel je ne marchai jamais : ainsi je n’allai pas loin, je m’assis à terre, & me mis à contempler la mer, qui se présentoit devant moi, & qui étoit calme & unie ; & dans cette posture il me vint à peu près dans l’esprit les pensées suivantes.

« Qu’est-ce que la terre ? qu’est-ce que la mer, sur laquelle j’ai tant vogué ? d’où cela a-t-il été produit ? Que suis-je moi-même ? que sont les autres créatures humaines & brutes, privées & sauvages ? quelle est notre origine ?

» Certainement nous avons été tous faits par une Puissance invisible, qui forma la terre &