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de Robinson Crusoé.

le pied à terre, de l’autre côté de ma palissade, que je vis clairement qu’il y avoit un tremblement de terre horrible. Trois fois le terrein où j’étois trembla sous mes pieds ; entre chaque reprise il y eut un intervalle d’environ huit minutes ; & les trois secousses furent si prodigieuses, que les édifices les plus solides & les plus forts qui soient sur la face de la terre, en auroient été renversés. Tout le côté d’un rocher, situé environ à un demi-mille de moi, tomba avec un bruit qui égaloit celui du tonnerre. L’Océan même me paroissoit ému de ce prodige, & je crois que les secousses étoient plus violents sous les ondes que dans l’Isle.

Le mouvement de la terre m’avois donné des soulevemens de cœur, comme auroit fait celui d’un vaisseau battu de la tempête, si j’avois été sur mer ; je n’avois rien vu ni entendu dire de semblable : & l’étonnement dont j’étois saisi, glaçoit le sang dans mes veines, & suspendoit en quelque façon toutes les puissances de mon ame. Mais le fracas causé par la chûte du rocher vint frapper mes oreilles, & m’arracher de l’état insensible où j’étois plongé, pour me remplir d’horreur & d’effroi, en ne me laissant entrevoir que de terribles objets ; une montagne, entr’autres, toute prête à s’abîmer sur ma tente & sous son propre poids, & à ensevelir dans ses ruines toutes mes