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Les aventures

considérant : grand dieu ! disois-je, comment est-il possible que je sois venu à terre ?

Après avoir soulagé mon esprit, par ce qu’il y avoit de consolant dans ma condition, je commençai à regarder autour de moi, afin de voir en quelle sorte de lieu j’étois, & par où il me falloit débuter. Je sentis bientôt diminuer mon allégresse, & je trouvai que ma délivrance étoit d’une affreuse espèce : car j’étois mouillé, & je n’avois point d’habits pour me changer ; j’avois faim, & je n’avois rien à manger ; j’avois soif, & je n’avois rien à boire ; j’étois foible, & je n’avois rien pour me fortifier ; je ne voyois pas même la moindre apparence de quoi que ce fût, sinon de mourir de faim, ou d’être dévoré par les bêtes féroces ; & ce qu’il y a de plus affligeant pour moi, c’est que je n’avois aucune arme pour pouvoir chasser, & tuer quelques animaux pour ma subsistance, ou pour me défendre contre toute créature qui voudroit m’ôter la vie pour soutenir la sienne ; en un mot, je n’avois rien sur moi qu’un couteau, une pipe, & un peu de tabac dans un boîte : c’étoit-là toute ma provision, ce qui jeta mon esprit dans de terribles angoisses ; en sorte que durant quelque tems je courus ça & là comme un insensé. La nuit approchoit, & je commençai à considérer quel seroit mon sort, si cette terre nourrissoit des bêtes dévorantes, sachant bien que ces ani-