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la victoire[1], la colère légitime qui l’anima quand il comprit que la défaite de son armée, qu’il croyait invincible, était due, non au manque de bravoure de la part des soldats, mais aux abus scandaleux de l’ancien régime, à l’incurie, à l’incompétence et à la traîtrise de ses gouvernants, tout cela prépara singulièrement le terrain pour le succès de la propagande bolcheviste.

Les grands mouvements populaires, lesquels, pareils à des torrents, brisant les digues séculaires, s’emparent, au cours de l’histoire, de l’âme des nations en la pétrissant, en la façonnant, en la rendant parfois méconnaissable, ont été l’objet de l’analyse d’écrivains érudits et sagaces. Parmi eux, le grand penseur français, le docteur Gustave Le Bon, démontre, dans son œuvre

  1. Il serait inexcusable d’oublier l’enthousiasme général avec lequel la guerre contre l’Allemagne fut accueillie par toute la population russe. Le grand frisson patriotique qui secoua tous les habitants de ce vaste Empire, sans distinction de races, de religions et de classes, se conservera dans la mémoire de ceux qui furent les témoins de l’ouverture des hostilités. Les manifestations d’union sacrée, les démonstrations qui affirmaient en plein jour l’orgueil d’appartenir à une grande nation, au cours des deux premières années de guerre, peuvent donner matière à réflexion à ceux qui pensent que les forces de désagrégation, qui prévalent à l’heure actuelle, sont de nature à briser à tout jamais la puissance des forces de concentration qui ont contribué, au cours de longs siècles, à former un vaste empire, en réunissant sous la même égide des populations diverses, y habitant, et en imposant à un contingent humain, pouvant s’évaluer au bas mot à cent millions, le même Verbe, le Verbe Grand Russien, lequel en outre est l’idiome littéraire de toutes les classes intellectuelles allogènes, à l’exception des Finlandais et en partie des Polonais. (Un grand nombre de Polonais appartenant aux lettres et à la science se sont exprimés dans leurs écrits en langue russe.)

    Remarque : Le fait que quelques bons écrivains, mais toutefois d’ordre secondaire, d’origine petite-russienne (tels que Chevtchenko et Kotliarevsky) s’amusèrent à composer leurs livres en idiome ukrainien ne peut que confirmer l’assertion précitée. Il serait ridicule de prétendre que les écrits de Mistral ont causé un préjudice à la langue française.