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— que la conscience reviendra au peuple russe[1]. Il constatera avec effroi l’œuvre destructrice du Tentateur : les usines dévastées et les ouvriers sans pain, les chemins de fer arrêtés, les champs abandonnés, le commerce stagnant, les écoles vides, les églises profanées, les morts pour la patrie non vengés.

Il se sentira seul, faible et désemparé comme un troupeau sans berger.

Le repentir d’avoir brisé ses dieux et d’avoir détruit ses autels descendra dans son âme comme dans l’âme du gars de Dostoïevsky. Le désir de vivre, de reprendre sa place au soleil, s’emparera avec violence du géant russe, lequel, pareil à ses ancêtres du

  1. La vigueur dont le peuple russe a donné la preuve à travers les calamités qui se sont abattues sur lui au cours de son histoire peut être démontrée par les quelques faits suivants tirés de celle-ci. Au XVIIe siècle, après l’invasion complète de la Moscovie par l’armée polonaise, les cloches des églises orthodoxes de Moscou sonnèrent en l’honneur de Dimitry l’Apostat, catholique romain, placé sur le trône de Jean le Terrible par la noblesse et le clergé polonais.

    Quelques années après, les grands patriotes russes Minnine et Pojarsky, tirant le peuple russe de sa torpeur, chassèrent Dimitry et les Polonais de Moscou et proclamèrent Tsar de toutes les Russies, Michel, fondateur de la dynastie des Romanoff. Au XVIIIe siècle, le fameux Pougatcheff — un Lénine des temps passés — régna en maître sur les vastes régions de la Russie orientale. Il fit la guerre aux bourgeois et aux propriétaires fonciers, s’empara de plusieurs villes, sema l’anarchie, qui ne fut réprimée qu’avec de grands efforts par la grande Catherine. À la suite de la guerre de 1854, qui se termina par la prise de Sébastopol, la Russie passa par une crise terrible. L’empereur Nicolas Ier se suicida de désespoir. Les finances étaient dans un état épouvantable. On était alors à la veille d’une banqueroute, et, vers 1870, le rouble valait quatre francs. Enfin tout dernièrement, on a pu constater la réserve des forces vitales du peuple russe qui réagirent si vite après la guerre malheureuse avec le Japon et après la révolution et l’anarchie qui s’ensuivirent, au cours desquelles, également, un très grand nombre d’usines furent détruites, des fermes et des châteaux incendiés, de nombreux ingénieurs et propriétaires fonciers massacrés.