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toriques, mais s’échappe même à jet continu du fond du cœur même du peuple. »

Au grand regret de Dostoïevsky, le moine n’a rien pu lui raconter sur le sort de l’autre gars, le tentateur. Le repentir l’a-t-il atteint également ? Ou plutôt, comme le suppose le grand écrivain russe, ce tentateur appartenait-il au nouveau type qui faisait déjà son apparition à cette époque en Russie, type du nihiliste, du négateur, auquel les frissons de l’âme de sa victime demeuraient étrangers, qui la fouillait d’un œil scrutateur et froid, qui se délectait même à la vue des angoisses et des humiliations dont il la voyait secouée. Si Dostoïevsky eût été en vie à l’heure actuelle, il n’aurait point manqué de trouver une certaine analogie entre le tentateur, le nihiliste d’autrefois, et le bolchevik d’aujourd’hui.

Au fur et à mesure de l’aggravation de la situation économique du pays et de l’accumulation des souffrances et des misères qui s’en suivirent, les idées bolchevistes s’infiltrèrent de plus en plus dans toutes les classes prolétariennes de la population. N’ayant pris pied, au début de la révolution (en février 1917), que dans la partie turbulente des cités ouvrières, elles gagnèrent peu à peu le contingent rural et réussirent à gangrener tout l’organisme social vers les mois de septembre-octobre. Ce n’est qu’à cette époque que les bolcheviks surent s’imposer et constituer un gouvernement, après avoir facilement discrédité les doctrines, trop abstraites et incompréhensibles pour le peuple, des partis démocratiques-libéraux et après avoir triomphé de celles des partis socialistes, comparativement modérés, lesquelles, tout en répondant, sur certains côtés, aux aspirations des prolétaires (partage des terres, impôts énormes sur les classes aisées) en ajournaient l’application après la réunion de l’Assemblée Constituante. Le succès des bolcheviks se basait sur l’appel des prolétaires à la jouissance immédiate : licenciement des soldats, mainmise sur les capitaux, proclamation invitant les ouvriers à prendre les usines sous leur contrôle et les paysans à déposséder les