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« Nous nous sommes réunis un jour, plusieurs gars, dit-il, et nous avons commencé à nous disputer. Quel est celui qui l’emportera en insolence ? J’ai défié par orgueil tout le monde. Alors un autre gars me prit dans un coin et me dit, les yeux dans les yeux :

« — C’est absolument impossible que tu fasses comme tu le dis. Tu te vantes !

« Alors, j’ai commencé à lui faire des serments. — Non, dit-il, attends, jure-moi sur ton salut éternel que tu feras comme je te l’indiquerai.

« Alors j’ai juré.

« — Voici le carême, dit-il, commence à faire tes dévotions. Quand tu approcheras le pope pour recevoir la Sainte Eucharistie, prends-la dans la bouche, mais ne l’avale pas[1]. Puis rejoins ta place, mets-la dans ta main et conserve-la. Et après cela, je t’indiquerai ce qu’il y a à faire.

« Je fis comme il m’avait indiqué. Alors il me mena directement dans le verger. Il prit une branche d’arbre, l’enfonça dans la terre et me dit : — Place ce que tu as sur le bois. — J’ai placé l’objet sur le bois. À présent, dit-il, apporte un fusil. — Je l’ai apporté.

« — Charge. — J’ai chargé.

« — Vise et tire.

« J’ai levé mon fusil et j’ai visé. Et alors il ne me restait qu’à tirer, quand j’ai vu apparaître devant moi la Croix et le Crucifié sur la Croix. Alors je suis tombé avec le fusil, évanoui ! »

Et voici les commentaires de Dostoïevsky sur ce récit :

« Devant nous apparaissent deux types individuels, qui représentent d’une manière frappante tout le

  1. D’après les rites de l’Église orthodoxe, la Sainte Eucharistie est introduite, au moyen d’une cuillère, par le prêtre, dans la bouche du pénitent sous la forme d’un petit morceau de pain, spécialement préparé, qui doit être avalé avec le vin qui le baigne.