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Le reste de la ville (sauf la Casbah, décrite plus loin) n’offre rien de remarquable, et les personnes qui connaissent nos villes d’Algérie, notamment Constantine, chef-lieu de la province du même nom, peuvent aisément le concevoir.

La vie y est à bon marché, mais les salaires y sont insignifiants. Autant l’animation est grande dans la journée, autant le soir la ville ressemble à une nécropole. À huit heures, le clairon de service au poste de police sonne la retraite, et ce en imitant, par de nombreux couacs, notre extinction des feux. Aussitôt après, la ville devient entièrement déserte. Le soir, on est tenu de sortir avec une lanterne car les rues ne sont pas éclairées, et le pavage, ainsi que les monceaux d’ordures, contribuent à les rendre impraticables dans l’obscurité.

La population est d’environ 300,000 âmes, 200,000 Arabes, Kabyles, Maures et nègres, 50,000 Italiens, 20,000 Français, Anglais, Grecs, Espagnols, Belges, Danois, Hollandais, Russes, etc., 30,000 juifs indigènes. En temps ordinaire, la sécurité est complète, les crimes ne se commettent que d’Arabe à Arabe, mais plus souvent d’Européen à Européen. Il est presque inutile d’ajouter que les Italiens font une grande consommation de coups de couteaux. La justice du bey est nulle pour les Européens, excessivement rigoureuse pour les musulmans.

La plus grande dépravation règne dans toutes les classes de la société, et un vice ignoble, que nous ne citerons pas, est aussi bien en honneur dans les palais que dans les plus misérables gourbis. Les populations de toutes les villes de la régence sont profondément apathiques. Le courage et l’énergie semblent s’être réfugiés chez les habitants