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iv
introduction

d’un réviseur assez malhabile qui aura cru apporter au vieux poème un sensible perfectionnement en substituant des rimes aux assonances un peu rudes dont s’était contenté l’auteur primitif. Ce travail de révision, auquel bien peu de nos anciennes chansons de geste ont échappé, a dû être opéré vers la fin du xiie siècle, et c’est peu après qu’un auteur inconnu s’est avisé de souder à l’ancien poème mis en rimes une continuation qui n’a plus rien du caractère en même temps historique qu’héroïque de l’œuvre primitive. Au temps où la rime tendait à se substituer à l’assonance, certains romanciers restaient fidèles à l’ancienne mode. Nous possédons des poèmes, Huon de Bordeaux, par exemple, qu’on ne saurait faire remonter plus haut que la seconde moitié du xiie siècle, dans lesquels règne encore l’assonance. Nous ne devons donc pas être surpris qu’il se soit trouvé un versificateur de la vieille école pour continuer en assonances le poème qui venait d’être mis en rimes.

L’analyse qui suit fera ressortir la différence de conception et de ton qui sépare les deux œuvres mises bout à bout.

Le comte Raoul Taillefer, à qui l’empereur de France avait, en récompense de ses services, concédé le fief de Cambrai et donné sa sœur en mariage, est mort, laissant sa femme, la belle Aalais, grosse d’un fils. Ce fils, c’est Raoul de Cambrai, le héros du poème. Il était encore petit enfant lorsque l’empereur voulut, sur l’avis de ses barons, donner le fief de Cambrai et la veuve de Raoul Taillefer au manceau Gibouin, l’un de ses fidèles. Aalais repoussa avec indignation cette proposition, mais, si elle réussit à garder son veuvage, elle ne put empêcher le roi de donner au manceau le Cambrésis[1].

  1. Les propositions faites à Aalais, le refus de celle-ci et les