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xlviij
introduction

L’épithète sors, conservée sous sa forme française (la forme méridionale eût été saurs), indique, à n’en pas douter, que le troubadour a bien eu en vue le « sor Guerri », l’oncle batailleur et violent de Raoul de Cambrai. L’auteur inconnu qui nous a laissé les razos, c’est-à-dire l’explication ou le commentaire des sirventés de Bertran de Born ne s’y est pas trompé, quoiqu’il ait adopté la mauvaise leçon Henrics au lieu de Guerrics[1]; il a justement supposé que l’allusion portait sur l’accord proposé à Raoul de Cambrai à propos de sa guerre contre les quatre fils de Herbert de Vermandois, mais il faut croire que la rédaction connue de Bertran de Born était quelque peu différente de la nôtre. Nous voyons en effet, aux tirades cvii et cviii, que le sor Guerri conseille d’abord à son neveu d’accepter les offres pacifiques présentées par un messager au nom des fils Herbert, mais, traité de couard (v. 2182) par Raoul, il se sent piqué au vif, et repousse le messager par des paroles de défi. Plus loin, tirade cxiii, lorsque Bernier vient apporter à Raoul de nouvelles propositions, c’est Raoul qui se montre disposé à les agréer, lorsque Guerri, dont le ressentiment n’est pas calmé, s’irrite de nouveau et repousse avec colère toute idée de paix. On ne voit pas paraître dans ce récit l’opposition marquée par les vers de Bertran de Born entre les sentiments exprimés d’abord

  1. « Quant en Bertrans ac faich lo sirventes que ditz : Pois als baros… et ac dich al rey Felip com perdia de cinq ducatz los tres… e com el non avia volguda la patz cant fon desarmatz, et si tost com el fon armatz, perdet per viutat l’ardimen e la forza, e que mal semblava del cor (corr. sor) Enric, l’oncle de Raols del Cambrais, que desarmatz volc que la patz si fezes de Raols son nebot ab los quatre filhs n’Albert, e depois que fon armatz, non volc patz ni concordi… » (Ed. Stimming, p. 106.)