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introduction

de la partie ancienne du Chronicon Valciodorense, il y a plus d’un siècle, temps pendant lequel la chanson primitive a pu et dû éprouver bien des altérations. Mais il n’y a place ici que pour des conjectures, puisque l’état premier du poème nous est absolument inconnu. Nous sommes sur un terrain plus solide, lorsque nous comparons le récit de la chronique avec le poème que nous éditons. Nous pouvons constater de l’un à l’autre certaines différences qui suffisent à constituer deux états différents de l’œuvre. Indiquons-les rapidement.

Dans la chronique Eilbert est le frère du comte Herbert de Vermandois et a, en cette qualité, la garde des enfants de ce dernier, tandis que dans notre poème Ybert de Ribemont est l’aîné des quatre fils de Herbert[1].

Dans la chronique la lutte entre Raoul et les hoirs de Vermandois commence assez naturellement par l’attaque de Saint-Quentin, épisode qui ne se retrouve plus dans notre poème.

D’après la chronique Bernier n’est pas encore armé chevalier lorsqu’il se sépare de Raoul. Dans le poème c’est Raoul lui-même qui adoube son écuyer[2].

Dans la chronique la mort de Raoul semble mettre fin à la guerre, puisque les hoirs de Herbert sont réintégrés, par le jugement d’amis, dans les possessions dont Raoul les avait dépouillés. Le poème, au contraire, nous montre la lutte se poursuivant après la mort de Raoul, sans autre interruption qu’une trêve de quelques heures (tir. clx), et ne cessant que par la lassitude et la défaite des partisans de Raoul, sans qu’en réalité aucune convention mette fin à la guerre. Les choses étant ainsi,

  1. Voy. ci-dessus, p. vj.
  2. Voy. vv. 577 et suiv. ; cf. v. 3136.