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iii. - les divers états du poème


Bertolais, qui nous est d’ailleurs totalement inconnu, est présenté ici comme un témoin oculaire de la guerre contée, et comme un homme du temps passé. Cela résulte du vers (2449) où il est dit que la chanson composée par lui fut depuis écoutée en maint palais. Il faut donc croire que Bertolais avait mis son nom à son œuvre, en témoignant qu’il avait assisté aux événements racontés, à peu près comme fit plus tard Guillaume de Tudèle, l’auteur de la première partie du poème de la croisade albigeoise. On ne voit pas, en dehors de cette hypothèse, comment les notions contenues dans les vers cités auraient pu se conserver. Si Bertolais a assisté à la lutte de Raoul et des fils Herbert, il faut qu’il ait vécu vers le milieu du xe siècle. L’existence de chansons de geste à cette époque n’est nullement contestable, bien qu’il ne nous en soit parvenu aucune que l’on puisse faire remonter aussi haut. Nous pouvons donc admettre que notre poème de Raoul de Cambrai a été, en sa forme première, l’un de nos plus anciens poèmes épiques. Mais la chanson composée par Bertolais a sans doute subi plus d’un remaniement, avant de recevoir la forme sous laquelle nous la possédons. Cherchons à déterminer, dans la mesure du possible, l’étendue et le caractère de ces remaniements. Nous avons, pour nous aider dans cette recherche, un certain nombre de témoignages qui nous permettent de constater l’état du poème dès une époque antérieure à la rédaction qui nous est parvenue. Entre ces témoignages, le plus complet et le plus ancien est celui qui nous est fourni par la chronique de Waulsort (Chronicon Valciodorense), déjà citée ci-dessus, en sa partie primitive qui fut rédigée vers la fin du xie siècle[1].

  1. Voy. Histoire littéraire, XXI, 703.