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conclusion

Mais, en somme, si cette babélique association est assez désagréable, elle ne fait courir au Canada aucun danger imminent. Tous ces étrangers ne deviendraient dangereux que s’ils se joignaient en masse aux partisans de l’annexion aux États-Unis, beaucoup plus nombreux dans la population de langue anglaise qu’on ne le suppose généralement.

Il est donc souverainement dangereux de pousser ces étrangers à l’étude hâtive de l’anglais. La sagesse la plus élémentaire consisterait à les doter d’écoles françaises. Mais, l’ignorance et le fanatisme ont tellement faussé l’opinion publique, que certainement aucun de nos hommes publics n’osera arrêter son esprit, même un instant, à cet instrument de salut national.

Aussi bien, comme nous le disait dernièrement un Anglais de bon sens, dans ses conférences à McGill, ce ne sera ni en leur parlant en anglais, ni en leur parlant en français qu’on canadianisera tous ces étrangers[1]. Ce sera en leur expliquant les institutions canadiennes dans leurs langues respectives et en faisant entrer les idées canadiennes dans leurs esprits, par l’expression de ces idées dans les différents dialectes dont ils se servent. Croyez-en un homme d’expérience, messieurs les unilingues, il n’y a absolument pas d’autre moyen de se faire comprendre des étrangers.

Ainsi donc, au lieu d’écoles anglaises, qui, pour eux, ne peuvent être qu’inutiles quand elles ne sont pas très dangereuses, qu’on dote chaque groupe d’étrangers de bonnes écoles où leurs enfants pourront recevoir, dans leur langue maternelle, l’instruction et l’éducation et apprendre en même temps à connaître et à aimer leur nouvelle patrie ; qu’on fonde pour eux des journaux qui, dans leur langue, leur feront connaître les choses du Canada, qu’ainsi ils comprendront beaucoup mieux que s’ils les lisaient dans les journaux anglais.

Ce que je dis ici des étrangers nouvellement immigrés s’applique, à plus forte raison, aux anciens aborigènes, dont on cherche vraiment trop à détruire les langues. C’est là un

  1. M. J. S. Woodsworth, cours sur l’immigration à l’université McGill novembre-décembre 1915 (Voir le Devoir, 23 novembre et 13 décembre 1915).